22/05/2019

Europe: supernova ou trou noir politique?

L'UNION EUROPÉENNE SE PRÉSENTE EN SUPERNOVA

de la politique, une explosion institutionnelle qui promettait une augmentation peut-être brève mais fantastiquement grande de la luminosité du Vieux-Continent, certes en fin de cycle mais capable, mieux que jamais peut-être, de féconder l'univers de son génie politique. En fait de nova, c'est d'un trou noir dont les peuples européens sont en train de prendre acte, un objet institutionnel dont l'intensité du champ de gravitation est telle qu'elle interdit désormais à toute forme de rayonnement politique de s'en échapper.

Curieux destin que celui d'un continent capable d'inventer la politique, au sens de la polis, la communauté des citoyens libres et autonomes des cités grecques, pour l'atomiser vingt-cinq siècles plus tard dans une hybris qui s'en prétend l'apothéose.

La Cité d'aujourd'hui, l'Etat, se définit en droit international comme un pouvoir effectif sur un territoire et une population donnés. En renonçant à des attributs étatiques essentiels, comme la compétence de battre monnaie ou de contrôler aux frontières les populations qui entendent pénétrer leur territoire, les membres de l'UE ont cessé d'être des Etats à part entière. Tout comme l'ont fait les cantons suisses en constituant un Etat fédéral en 1848.

Mais à la différence des cantons suisses, les membres de l'UE ont renoncé à leur statut d'Etat au profit de quelque chose qui n'est jamais devenu un Etat. L'Union européenne a certes une monnaie et un marché, elle dicte les règles qui leur sont applicables mais elle n'a ni politique économique commune, ni défense, ni diplomatie, ni la capacité de contrôler efficacement les migrants qui pénètrent ses frontières. LUE, c'est au fond tous les effets secondaires d'un Etat, cohortes de fonctionnaires, surabondance de directives, sans l'Etat.

Du point de vue de son existence politique, l'Europe se présente dès lors comme 28 (27) Etats eunuques, dépouillés de leurs attributs de puissance étatique et un Etat croupion, qui, sans être capable de devenir lui-même un Etat, se borne à interdire à ceux qui l'étaient l'exercice de leurs prérogatives anciennes: «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », rappelait Jean-Claude Juncker aux Grecs qui venaient de voter en 2015 contre l'austérité imposée par Bruxelles; «je veux un accord institutionnel d'ensemble maintenant» , exige-t-il des Suisses en les invitant à renoncer à leurs droits politiques en tous domaines dévolus aux fonctionnaires de Bruxelles; et définitivement car «le Brexit est une équation impossible».

Un empire de papier

Le paradoxe est que personne ne règne plus en Europe depuis l'Union européenne, sinon une idéologie aussi tatillonne qu'elle se sait consubstantiellement incapable de faire de la politique, c'est-à-dire de définir des positions communes en regard des questions stratégiques les plus décisives pour l'avenir du continent et de les faire respecter.

Dans un monde multipolaire que se partagent désormais des méga-Etats en compétitions impériales (Chine, Russie, Etats-Unis, Inde, etc.), un vide politique en Europe est une aberration que l'histoire se chargera de combler à la place des Européens. Déjà, la voix d'un Jean-Claude Juncker est aussi faible que celle d'un empereur de la dynastie Qing lorsque les Européens se taillaient des comptoirs en territoire chinois en se jouant des rivalités locales et de la faiblesse du pouvoir central.

Ironie de l'histoire ou du karma, les Chinois s'établissent d'ailleurs aujourd'hui en Grèce, en Italie, en France, avec la même facilité qu'en Asie ou en Afrique le long de leurs nouvelles routes de la soie en se jouant des dettes nationales et de l'incapacité endémique d'un empire européen de papier à faire respecter une position commune au-delà des déclarations initiales de principe.

Mettre la république européenne en marche, une bonne idée sans doute, quoique tardive et qui mériterait mieux qu'une lettre électorale d'Emmanuel Macron aux Gilets jaunes. Un peu de Suisse dans les idées, par contre, serait un bon début.

(Yves Nidegger in Newsletter UDC N° 272 du 8 mai 2019)

Une sorte d'Etat croupion

Une sorte d'Etat croupion


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