Celui qui a, plus qu’aucun autre, contribué à réformer en profondeur la Justice humaniste classique, ne supporte pas que syndicats de policiers, hommes politiques…mettent en cause un système judiciaire qui semble ne plus savoir punir le crime et la délinquance et qui est totalement impuissant face à la montée de la violence en France.
« Je ne supporte plus ça » s’écrit Me Badinter. Il se lance alors dans un vibrant plaidoyer en faveur des juges : « Tant de dévouement à la chose publique, c’est toujours payé par les critiques de démagogues. »
Maître Badinter tente de défendre l’indéfendable. Cette justice en faillite, est son « œuvre » et celle de son école. L’avocat espère, par ces propos démagogiques, mettre de son côté les magistrats.
Mais la ficelle est grossière. Nul ne conteste que les magistrats travaillent beaucoup, certains à la limite de leur force. Mais ils agissent dans un système vicié qui a totalement chamboulé le régime de des peines et des sanctions. Un système devenu fou, qui permet à un juge, d’annuler dans les faits, la sanction prononcée par un tribunal. Véritable Janus bifron, la justice condamne de la main droite et libère de la main gauche.
Ce que tente de sauver Me Badinter en essayant de faire taire les critiques, c’est le triste, le sinistre bilan produit par les réformes qu’il a initiées. Sans parler des agressions permanentes que subissent les policiers, dont l’activité est neutralisée par l’invraisemblable complexité de la procédure pénale qui profite systématiquement aux voyous, un seul chiffre permet de mesurer le naufrage d’une Justice qui ne sait plus punir : sur cent plaintes pour viol, deux donnent lieu à une condamnation et une peine de prison effectives.
Autrement dit, en dépit d’une législation en théorie très répressive, le viol est dans les faits, rarement puni en France. Il en est de même pour la plupart des délits et des crimes. Nous avons tous présents à l’esprit la décision rendue par la Cour de Cassation qui a estimé que l’assassin du docteur Halimi, ne devait pas être jugé.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi la France est-elle le pays de l’Union européenne qui compte proportionnellement le plus de détenus et qui paradoxalement, ne parvient plus à réprimer la « petite délinquance » qui empoisonne au quotidien la vie de millions de citoyens ?
Qu’est ce qui fait que la police et la justice ne parviennent plus à accomplir normalement leur mission ?
Pour comprendre la faillite de la Justice française, il faut remonter aux années 1980.
C’est au cours de ces années, que les bases de la justice vont être bouleversées. On va, réforme après réforme, modifier l’ancien système.
Robert Badinter a joué un rôle clé dans ce processus de transformation.
Les postulats de Badinter
Il n’est certes pas possible dans le cadre de cet article de rendre compte de la succession des réformes qui ont affecté le régime des sanctions et des peines. Notre but est d’en exposer le principe fondateur.
En passant de Voltaire à Badinter, nous avons changé le « logiciel » de la Justice. Nous sommes sortis de la Justice humaniste classique pour basculer, au nom d’une utopique croyance, dans l’inconnu. Nous avons fait un véritable saut dans le vide.
En gros, Voltaire fonde la nouvelle justice humaniste sur la défense de Calas, un innocent accusé et condamné sans preuve.
Il exige et obtient la révision du procès. Il récuse une justice qui condamne sans prouver la culpabilité de l’accusé. Zola agira de semblable manière lorsqu’il se battra pour que toute la clarté soit faite sur les accusations portées contre le capitaine Dreyfus et sa condamnation pour trahison.
La Justice humaniste découle de l’application des principes de transparence, de preuves, du respect du contradictoire etc…
Badinter quelque deux siècles plus tard, fonde la nouvelle justice sur la défense d’un criminel de la pire espèce, Patrick Henry qui, le 30 janvier 1976, enlève et tue le jeune Philippe Bertrand, âgé de sept ans. Après un procès houleux, il sauve la tête du monstre.
Les deux postulats de la nouvelle justice badintérienne.
Badinter met en avant deux postulats fondamentaux :
Premier postulat :
Quelles que soient l’étendue et la monstruosité des crimes commis, l’assassin fait partie de la communauté des humains.
Il précise à maintes reprises que la vie de l’assassin, y compris celle des grands criminels nazis ou des serial-killers, des assassins d’enfants accompagnés d’actes de barbarie…que la vie de ces assassins est aussi sacrée que celle de n’importe quel homme.
Avec ce postulat, Badinter sort de la problématique classique. En effet, pour les philosophes des Lumières qui sont à l’origine de la Justice moderne-Montesquieu, Rousseau, Voltaire, Diderot… certains crimes, par leurs monstruosités, placent leurs auteurs, en dehors de l’humanité. C’est la raison pour laquelle, tous les philosophes (à l’exception de Condorcet) sont favorables à leur exécution.
Deuxième postulat :
Il n’est pas de criminel, quelle que soit l’étendue de ses crimes, qui ne puisse être amendé et réintégré dans la communauté des hommes.
L’application de ces deux postulats vont avoir pour effet de braquer le projecteur de la Justice, non sur la victime, mais sur le bourreau.
Lors du procès du frère de Mohamed Merah, qui a assassiné en mars 20212 en France, trois militaires et quatre civils dont trois enfants Juifs de l’école Ozar Hatorah, la maman d’un des militaires abattus froidement par Merah aura cette réflexion désabusée : je n’existais pas. La victime n’intéresse pas la Justice. Il n’y en a que pour le tueur.
Cette transformation de la Justice est visible lors de tous les procès : le but n’est plus seulement de sanctionner le crime ou le délit, mais de permettre au bourreau de s’amender pour redevenir un citoyen normal.
Deux systèmes judiciaires cohabitent. Une Justice classique qui sanctionne, qui punit la transgression de la loi, et l’autre qui se veut réparatrice. Le juge devient progressivement une sorte de thérapeute du corps social.
La prison n’est perçue par Badinter et ses adeptes, que comme l’école du crime. Il faut donc l’éviter absolument. On met en place une politique de substitutions des peines. Même lorsque l’agresseur est condamné à des peines de prison, le « Juge de l’application des peines » (le JAP) vide de son contenu le jugement et libère le condamné par l’application des peines dites de « substitution » (port du bracelet électronique, travaux d’intérêt général…)
Il est manifeste que la croyance angélique sur laquelle les deux postulats de Badinter sont fondés, n’a aucun impacte sur les récidives (la quasi-totalité des criminels sont des multi-multi récidivistes) ; que cette utopique croyance et ses applications, héritées des rêves de Victor Hugo, ont pour effet d’augmenter dans des proportions considérables, la violence et la délinquance…
Qu’importe le constat accablant fait tous les jours par les acteurs de terrain, policiers en tout premier lieu. On continue dans cette logique suicidaire. Avec les réformes de Madame Taubira, le système devient littéralement fou. On met en place des procédures pour permettre au bourreau de se « réparer ». Pour y parvenir, on fait appel à la victime. On lui demande d’aider son agresseur !
Pourquoi la tendance est à l’absence de condamnation effective ?
Pour la nouvelle justice : l’homme est une marionnette mue par des structures.
On est passé de la Justice humaniste fondée sur la croyance en la liberté et la responsabilité individuelle, à un système qui considère que l’homme n’est pas ou peu responsable de ses actes.
On est en réalité, sorti de la problématique biblique qui est fondé sur le postulat de la liberté et de la responsabilité de l’homme. Nous changeons progressivement de civilisation.
Les réformes de Badinter sont imputables à la nouvelle doxa, fruit d’une vaste et improbable synthèse de la conception marxiste de l’homme, des travaux des « sciences dites humaines » notamment des sociologues ; des adeptes du « structuralisme » pour lesquels « l’homme est une marionnette mue par des structures », de l’écologie politique…et de toute l’école déconstructiviste dont Michel Foucault est le chef de file.
Comment peut-on punir une marionnette ?
C’est ainsi que, de renoncement en renoncement, on aboutit à la décision de la Cour de cassation qui estime que Traoré ne doit pas être jugé…l’homme, dans cette problématique antihumaniste ou post-humaniste ou trans-humaniste, n’est-il pas, par définition irresponsable ? N’est-il pas, comme le veut le nouveau régime « biocratique » qui se met en place avec la crise du Covid-19, un simple maillon dans la chaîne du vivant ?
La faillite de la Justice badintérienne doit être appréhendée dans le contexte global de l’évolution de la société : nous sommes en train de passer de la démocratie qui est le gouvernement des hommes par le peuple, à la biocratie qui est la gestion des vivants par des spécialistes. C’est sous l’influence d’un « Conseil scientifique » que la Président Macron prend ses décisions.
Autrement dit, nous sommes en train de réinventer le paganisme avec pour religion le retour au culte de la mère nature et à celui de la haute-technologie.
Ce culte païen ne peut aboutir qu’à une extension continue du domaine de la violence.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Sidney Touati pour Dreuz.info.
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