William Easterly n’a guère de peine à contrer la thèse du piège de pauvreté chère à Jeffrey Sachs. L’histoire récente regorge de pays qui sont parvenus à prospérer sans aide au développement et d’autres pays qui malgré une telle aide n’y sont pas parvenus. D’ailleurs, s’il existait vraiment un piège de la pauvreté, nous serions encore tous pauvres. L’aide au développement n’est au contraire qu’un feu de paille. Elle n’a guère d’impact sur la croissance économique. La qualité de la politique du gouvernement est bien plus importante. Si l’aide étrangère dépasse 8% du PIB, elle devient même contreproductive : aujourd’hui 27 pays sont dans cette situation et si les donateurs mettaient en œuvre la proposition du « big push », la quasi-totalité des pays à bas revenu dépasseraient cette limite.
L’analyse ne serait pas complète sans évoquer un autre livre de référence sur le sujet, The Bottom Billion de Paul Collier. L’auteur y propose un changement de priorité. La situation n’oppose plus les riches Occidentaux au « reste » : le monde se répartit plutôt entre un milliard de personnes riches, cinq milliards de personnes dans les pays émergents et un milliard dans les régions en stagnation, celui du bas de l’échelle. En raison des pays en situation de rattrapage, avant tout en Asie, la question se pose avec plus d’acuité qu’il y a dix ans : pourquoi ceux qui appartiennent au milliard le plus pauvre comprennent 58 pays, souvent petits et africains ? Le discours de la gauche classique « ils sont pauvres parce que nous sommes riches » est plus improbable que jamais. L’économie n’est pas un jeu à somme nulle. Un pays profite de la prospérité des autres. Le problème de beaucoup de pays africains, avant tout de ceux qui n’ont pas d’accès à la mer, devient géographique. Le chaos et la pauvreté règnent chez leurs voisins, ce qui complique sérieusement le transport de biens aux ports les plus proches et empêche les échanges d’être rentables.
(Sixième partie du rapport L'aide au développement, un modèle périmé de David Signer, publié par l'Institut libéral)
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