01/04/2021

« Les musulmans et la machine de guerre nazie » – critique de Bat Ye’or

 Bat Ye’Or a lu « Les musulmans et la machine de guerre nazie« *, de David Motadel, et elle a souhaité le faire découvrir aux lecteurs de Dreuz.

Le public francophone peut se réjouir de disposer d’un travail qui expose dans le détail et avec l’exactitude minutieuse de la recherche historique tout le panorama de l’alliance germano-islamique durant le XXe siècle. Certes il existe déjà de nombreux travaux sur ce sujet. Cependant le livre de Motadel a l’immense avantage de se placer sur le temps long de l’histoire et d’étudier dès la fin du XIXe siècle la géostratégie islamophile de l’Allemagne, ses développements ultérieurs au cours des deux guerres mondiales y compris dans l’entre-deux-guerres et ses conséquences jusqu’au XXIe siècle. Les activités politiques ou idéologiques de chaque personnalité citée sont mentionnées d’une guerre à l’autre dessinant un remarquable paysage géostratégique et idéologique homogène vis-à-vis de l’islam avec ses réseaux, ses incidences, ses projections. 

Un autre aspect novateur du livre consiste à analyser la mobilisation et l’instrumentalisation de la religion musulmane dans la guerre et dans ce cas précis son exploitation par l’Allemagne nazie dans sa géostratégie militaire pour atteindre ses propres objectifs. Cette orientation s’était déjà manifestée dès le début de la Première Guerre mondiale en 1914-18 dans l’alliance de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie avec l’Empire ottoman contre les puissances de l’Entente : France, Grande-Bretagne, Italie, Russie, Serbie et Monténégro. C’est en effet, à l’instigation de l’Allemagne qu’en novembre 1914 le sultan-calife ottoman lança aux musulmans son appel au djihad contre leurs ennemis communs. Le facteur religieux du djihad associait l’islam aux objectifs politico-stratégiques germaniques.  

Le livre est divisé en trois parties, chacune subdivisée en chapitres centrés sur différents thèmes. Dans les chapitres de la première partie, Motadel examine la représentation de l’islam et des musulmans dans la stratégie de guerre germanique. Cette vision, très favorable aux musulmans, se construit dès le XIXe siècle dans le contexte des rivalités européennes coloniales. La solidarité militaire de l’alliance germano-ottomane de la Première Guerre mondiale renforce l’islamophilie germanique de la seconde. Dans l’entre-deux-guerres des équipes d’experts, de diplomates, d’intellectuels et de militaires allemands s’intéressent à l’islam aux plans religieux et militaires dans une perspective privilégiant le pangermanisme. La littérature souligne les affinités idéologiques entre nazisme et islam. Axé sur le djihad, la guerre sainte et le martyr, ce mouvement issu des contacts du précédent conflit renforce la collaboration des leaders nazis avec des chefs religieux musulmans, muftis, imams prestigieux, leaders panislamistes qu’ils courtisent. Se posant en défenseur de l’islam, Berlin favorise les soulèvements de musulmans en Crimée, dans le Caucase et dans les colonies françaises et britanniques.

L’auteur examine à partir de 1941 la politique allemande envers l’islam élaborée par le ministère des Affaires étrangères et l’instrumentalisation des thèmes du djihad et du terrain religieux. Berlin devient un centre de ralliement d’Arabes venus de Syrie, de Palestine, d’Irak, d’Afrique du Nord. D’autres musulmans arrivent des Balkans, de Turquie, de Crimée, du Caucase, des républiques musulmanes d’Union soviétique, d’Afghanistan. Des muftis, des imams, des officiers musulmans supervisés par des cadres supérieurs allemands, assurent leur endoctrinement et leur formation militaire. Par leurs relais dans les pays musulmans ils diffusent dans une thématique religieuse une intense propagande haineuse contre les Alliés et surtout les juifs destinés à l’extermination.

La seconde partie composée de trois chapitres, examine la collaboration nazie-musulmane en 1939-45 dans les trois zones de guerre où l’enrôlement de volontaires musulmans fut important. Ces régions sont l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, notamment dans les pays arabes où réapparaissent les anciennes collaborations germano-musulmanes de 1914-18. Cette particularité se manifeste aussi sur le front de l’Est (Ostland) qui comprend, outre la Biélorussie et l’Ukraine, le Caucase, la Crimée, la Tchétchénie, les frontières asiatiques de l’URSS, la Pologne où est créé un siège de mufti, la Lituanie, la Lettonie, les Etats sur la Baltique avec l’enrôlement de leurs populations musulmanes tatares dans la Wehrmacht ou les SS. Enfin le front des Balkans avec leurs nombreuses populations musulmanes résiduelles installées depuis l’occupation ottomane de territoires chrétiens européens. Chacun de ces chapitres étudie minutieusement l’organisation de la collaboration à tous les niveaux de l’administration nazie avec les populations musulmanes et leurs chefs religieux dans les domaines militaires et la diffusion d’une propagande religieuse propagée dans l’ensemble du monde musulman. Cette partie expose l’imbrication des forces de l’Axe avec presque un demi-million de soldats musulmans d’ethnies diverses dispersés par le régime nazi sur les nombreux théâtres de guerre et dans les camps d’entraînement des pays occupés par le IIIe Reich. 

La troisième partie composée de trois chapitres analyse les thématiques des activités militaires des musulmans engagés volontaires dans l’administration germano-fasciste nazie. Ces chapitres étudient les mécanismes psychologiques et religieux de mobilisation de larges populations musulmanes, leur enrôlement dans la Wehrmacht et les SS, leurs assignations dans l’armée ou la police, dans le Service de renseignement intérieur (RSHA sous la responsabilité de Ernst Kaltenbrunner) impliqué dans les génocides et les massacres, leur répartition dans la garde des camps d’extermination. Sous le sous-titre : L’islam et la politique dans l’armée, quatre thèmes sont regroupés : le pôle religieux dans le recrutement des soldats musulmans, les rituels du culte et la discipline militaire, le rôle des imams et leurs écoles. L’auteur nous décrit la hiérarchie militaro-religieuse d’imams militaires commandant ces secteurs et leur formation. Le dernier chapitre de cette partie étudie le rôle de l’islam dans la propagande militaire et l’endoctrinement. Ces  secteurs se moulent dans les structures idéologiques et militaires du djihad, guerre théologique contre l’infidèle. L’instrumentalisation de la religion islamique par les nazis se manifeste dans  la mobilisation des musulmans et la propagande.

Cette masse musulmane accourue servir le IIIe Reich se chiffre à plusieurs centaines de milliers de volontaires venus d’Afrique du Nord, des pays arabes du Levant, y compris la Palestine, des Balkans, d’Albanie, d’Herzégovine, de Bosnie, du Caucase, de Crimée et d’Asie centrale, des Indes et de la Baltique. Bosniaques, Albanais, Azéris, Tatares, Arabes sont enrôlés. A l’époque où l’Europe occupée traque ses juifs et les extermine du fœtus au vieillard, elle accueille les musulmans avec égard et bienveillance. Elle leur accorde des privilèges spéciaux pour leurs célébrations religieuses et leurs mœurs, allant au-devant de leurs désirs et recommande de les traiter avec tact, de respecter leur religion, de s’abstenir de boire de l’alcool en leur présence, d’éviter les paroles offensantes, de ménager leur sensibilité.

L’islamophilie est telle que plusieurs hauts fonctionnaires nazis se convertissent, en premier Himmler, le cerveau et l’architecte de cette vaste stratégie transnationale associant les musulmans à l’idéologie et à la stratégie nazies d’extermination du judaïsme et du christianisme enjuivé. Tous les gouvernements des pays européens occupés y collaborent. Des équipes conjointes d’orientalistes allemands et européens travaillent ensemble avec des muftis, des imams, des ulémas. Ensemble ils coordonnent une propagande et un endoctrinement haineux diffusés sur la planète du Maroc aux Philippines. Le plus actif dans ce domaine est le mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, qui opère la fusion du militarisme nazi avec le djihadisme théologique par l’actualisation des versets coraniques et des hadiths.

Cette immense fresque expose l’ensemble des stratégies allemandes avec le monde musulman. Celles-ci sont coordonnées par les services du ministère nazi des Affaires étrangères dirigé par Ernst von Weizsäcker, par le ministère de la Propagande sous Goebbels, celui des Territoires occupés commandé par Alfred Rosenberg, les dirigeants de la Wehrmacht (Oskar Ritter von Niedermayer) et celui des SS dirigé par Heinrich Himmler. Tous ces ministères sont en lien avec les chefs musulmans d’unités militaires constituées exclusivement de volontaires musulmans d’Europe, d’Asie et d’Afrique.

Cette étude globale exhaustive dessine l’interpénétration fusionnelle de l’idéologie et des institutions politiques et militaires du IIIe Reich avec les armées musulmanes rassemblées, endoctrinées et organisées par le régime d’Hitler. C’est la concrétisation de l’islamo-nazisme. On est au cœur d’une humanité barbare nourrie d’une émulation du pire entre le nazisme exterminateur et le djihadisme génocidaire. Le rejet méprisant d’un christianisme issu du judaïsme stimule l’islamophilie des dirigeants du IIIe Reich.

Cette section examine aussi les derniers mois et semaines de la guerre où dès l’automne 1944, les désertions nombreuses, le refus de se battre et la panique désorganisent cette masse considérable de musulmans étrangers rassemblés en Allemagne ou dans les territoires occupés. Abandonnés par leurs chefs en fuite ou arrêtés beaucoup passent à l’ennemi. Dans les Balkans, les unités du Turkestan enrôlées dans la Wehrmacht rejoignent le camp des résistants. Après la guerre, ceux du Caucase, de Crimée, d’Union soviétique sont rapatriés par Moscou dès l’été 1945 et jugés. Mais la majorité des recrues musulmanes restèrent dans des camps en Allemagne. Bénéficiant en 1946 du statut de personnes déplacées, ils se fixèrent dans divers pays d’Europe occidentale.  Quant à Amin al-Husseini, il fut remis en mai 1945 aux Français qui, après l’avoir hébergé en lieu sûr pendant un an, le laissèrent filer au Caire où il fut reçu en héros. Car même si la guerre contre les Alliés avait pris fin par une défaite, celle contre les juifs continuait.

L’Epilogue fait le bilan de la politique nazie d’instrumentalisation des musulmans au service des visées stratégiques de conquête impériale germanique et des moyens considérables mis en œuvre. Hitler et ses collaborateurs percevaient l’islam comme une force unifiée et amie. Dans les dernières semaines du régime, Hitler préconisait pour la nouvelle Europe qu’il projetait de construire « une politique audacieuse d’amitié envers l’islam » (p.300).

Dans cette Epilogue l’auteur précise que son travail examine les formes d’instrumentalisation de l’islam religieux par l’idéologie militariste du IIIe Reich et non les réactions variées et contradictoires des musulmans à cette entreprise. Il constate qu’excepté l’exécution des grands criminels ou leur fuite, les principaux architectes du nazi-islamisme appartenant au ministère des Affaires étrangères, à la Wehrmacht ou aux SS sortirent indemnes de la guerre et réintégrèrent leurs fonctions, même ceux dont les peines furent réduites.

L’Epilogue retrace brièvement le sort de la masse des engagés volontaires musulmans du IIIe Reich restée après la guerre en Allemagne et notamment en Bavière. Désormais c’est la CIA qui instrumentalise l’islam, notamment le djihad durant la Guerre froide. Washington soutient les mouvements djihadistes contre le communisme et l’embauche des musulmans ayant servi les nazis dans la politique américaine antisoviétique. Une sorte d’internationale nazi-islamique d’après-guerre se dessine entre les Etats-Unis, l’Europe où résident la majorité des nazis et leurs collaborateurs européens et les islamo-nazis des pays arabes et musulmans.       

Malgré la richesse et l’abondance du matériel étudié, la structure du livre et l’ordonnance de ses thèmes confèrent à l’ouvrage une remarquable clarté agrémentée par une excellente traduction française qui en facilite la lecture. De nombreuses photographies témoignent de l’historicité irréfutable du récit.

Ce travail monumental appelle quelques commentaires, car il est clair que cette immense toile géographique transnationale ne disparut pas du jour au lendemain après la défaite allemande. Au Proche-Orient, al-Husseini réussit à faire immigrer dans des pays arabes certains de ses collègues musulmans au service des nazis. En outre il se constitua une milice et fit appel aux soldats musulmans de la Wehrmacht  parmi lesquels ceux de la division Handzjar qui perpétra des massacres de masse en Yougoslavie et un génocide de Serbes, de Juifs et de Roms. Avant même le déclenchement de la guerre arabo-israélienne de 1948 les hommes du mufti s’étaient introduit dans les villages arabes de Palestine et mêlés à la population menaient une guérilla sanglante contre  les juifs, alors que les armées de cinq Etats arabes se massaient aux frontières. Bien que le premier Secrétaire-Général de la Ligue arabe, Abdoul Rahman Hassan Azzam Bey annonçait « une guerre d’extermination et un massacre dont on parlerait comme de ceux des Mongols », aucun pays européen, excepté la Tchécoslovaquie, n’accepta de vendre des armes aux Israéliens. Après tout, deux ans seulement auparavant leurs trains sillonnaient leur pays emportant les juifs vers les camps d’extermination. Azzam bey prédisait un vaste pillage et le déferlement de volontaires musulmans venant des Indes, d’Afghanistan, de Chine et d’ailleurs excédant le nombre des Arabes de Palestine, et même des centaines de volontaires anglais. Utilisant les formules d’Hitler qui inversaient les réalités, il accusait les juifs de provoquer une guerre avec les Arabes. (D. Barnett et E. Karsh, « Azzam’s Genocidal Threat”, Middle East Quartely, Fall 2011, pp. 85-88).

La mentalité du mépris de la vie juive et conjointement l’admiration pour l’islam qui avait prévalu en Europe bien avant 1939, était encore très présente après 1945. Elle contribua à créer un organisme, l’UNRWA, financé par l’ONU et exclusivement réservé aux Arabes qui avaient fui la Palestine et auxquels s’étaient joints les soldats perdus du nazi-islamisme attirés par les promesses de génocide et de pillage. La seconde manifestation de la rémanence du nazisme fut l’élection comme premier président de la Commission européenne de Walter Hallstein (1958-67), nazi convaincu et auteur en 1938 du projet approuvé par Hitler d’une Europe sans juifs ni frontières régie par le IIIe Reich et économiquement liée au monde arabo-musulman. En Allemagne fédérale le chancelier en 1966-69 fut Kurt Georg Kiesinger, membre actif du parti nazi dès 1933 et travaillant sous Goebbels dans la section Propagande destinée au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord. L’ONU avait à sa tête de 1972 à 1981 Kurt Waldheim, officier autrichien dans la Wehrmacht sur le front des Balkans durant les génocides. En France, Maurice Couve de Murville, ancien fonctionnaire de Vichy décoré de la Francisque, menait une carrière diplomatique distinguée avant de devenir Premier ministre. On pourrait multiplier ces exemples quand la Communauté européenne dès les années 1970 accepte secrètement l’entraînement sur son territoire de terroristes palestiniens. Réminiscences des exercices militaires des musulmans engagés dans la Wehrmacht et les SS.

J’ai décrit dans des livres et articles la rémanence d’un antisémitisme/antisionisme prégnant dans les institutions de l’UE, conjointement à une islamophilie bienveillante envers une immigration musulmane portes ouvertes. Des dates jalonnent cette politique, il serait trop long de les citer ici. Rappelons seulement les attentats terroristes anti-juifs, la piraterie aérienne, le boycott arabe du pétrole et la reddition européenne, les accords officieux du Dialogue euro-arabe entre les députés de tous les partis de la CEE et les pays arabes, accords qui pavèrent la voie de la dhimmitude en Europe et l’insécurité grandissante des juifs d’abord, puis des non-juifs. Les réseaux transnationaux de l’euro-nazisme avec l’islamo-nazisme perdurèrent dans les décennies de l’après-guerre. Ils conditionnèrent le soutien européen à l’OLP, organisation terroriste héritière du projet nazi-islamique d’éradication d’Israël. Le désir d’Himmler de remplacer le judéo-christianisme par l’islam s’exprime dans les lamentations actuelles sur les défaites musulmanes à Poitiers, Lépante et au siège de Vienne en 1683. Le nazisme revit dans la subversion de l’histoire par l’attribution à l’islam du patrimoine biblique, fondement du christianisme, dans la délégitimation de l’Etat hébreu pour justifier sa suppression, dans l’inversion de la vérité faisant des Israéliens des nazis et des Arabo-palestiniens engagés volontaires dans les forces du IIIe Reich, ses victimes.

C’est de cette toile invisible tissée dans la guerre d’extermination de 1939-45 contre les juifs par le nazi-islamisme que se développent aujourd’hui tous les poisons détruisant la civilisation judéo-chrétienne occidentale, cible du jihad depuis treize siècles. C’est de là aussi que sourd la haine anti-Trumpiste de l’Europe et son silence désapprobateur des accords d’Abraham. Trump qui écrasa d’un coup de pied toutes les entourloupes euro-arabes nazies savamment dissimulées dans la Palestinocratie. Un livre indispensable pour comprendre les sources de la désagrégation actuelle de la civilisation européenne.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Bat Ye’Or pour Dreuz.info.

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