Il se spécialise dans la culture biblique et parle couramment l’italien. Il est appelé Benedetto. La seconde guerre mondiale est déclenchée en 1939. Le Père Benoît est alors affecté à Marseille dans un état-major en tant qu’interprète. Sur place, il prend part à des activités de résistance, en aidant des aviateurs anglais, américains, français, et des alliés traqués par la Gestapo. En 1940, arrivé au couvent des capucins de Marseille, il répond à la demande d’une famille juive, puis d’une seconde, puis de quantités d’autres, qui se succèdent pour solliciter de l’aide en urgence. Dans les sous-sols de son couvent, il édite des milliers de faux papiers afin de permettre à des centaines de familles juives en fuite de franchir la frontière espagnole ou la frontière suisse. Le Père Benoît est en relation étroite avec les comités juifs de Marseille, ce qui lui donne l’occasion de faciliter des évasions du camp des mille. Ses principaux partenaires sont les résistants français et les délégués de l’Union générale des Israélites de France. Cette activité grandissante dans les exfiltrations de nombreuses personnes attire l’attention de la Gestapo qui surveille ses allées et venues. Lorsque la Wehrmacht envahit la zone libre, les voies d’accès à l’Espagne et à la Suisse deviennent impossibles. Le Père Benoît fait passer les réfugiés par la riviera et la Haute-Savoie. Des contacts avec des fonctionnaires italiens lui permettent d’ouvrir la voie à des milliers de juifs pour se rendre en zone d’occupation italienne.
En juin 1943, le Père Benedetto se lance dans un projet audacieux en compagnie d’Angelo Donati, juif italien directeur de la banque franco-italienne. Il s’agissait de transférer par bateaux 30000 juifs de la côte italienne vers l’Afrique du Nord. Le Père Benoît part aussitôt à Rome pour demander l’appui du pape Pie XII. Lorsqu’il lui expose la politique de Vichy, le pape répond : « On n’aurait pas cru cela de la France ! » Devant l’exposé du projet Donati par le Père Benoît, le pape réagit : « Je m’en occupe ! ». Après la chute de Mussolini, la tournure des événements change rapidement. Les juifs sont en grand danger en Italie. Des témoignages racontent comment, à Rome, des familles juives ont pu être logées dans des hôtels et dans des couvents. Elles connaissent le Père Benedetto qui s’efforce de leur fournir de quoi survivre. Le couvent capucin de la via Sicilia devient vite un lieu de ralliement pour les juifs italiens menacés. Ceux-ci le surnomment « le Père des juifs ». Mais le major nazi Kapler lance un ordre d’arrestation contre le Père Benoît qui n’hésite pas à aller trouver le chef de la Gestapo, avec qui il établit un accord : la milice n’intervient pas et en contrepartie les juifs quittent Rome. Mais c’est une stratégie, car le Père Benedetto a distribué des quantités de papiers d’identité, des permis de séjour, des cartes d’alimentation. Il fait croire à la Gestapo que tous les juifs sont partis alors qu’ils attendent dans la ville sous de nouvelles identités.
Après la guerre, le Père Benoît participe en 1947 à la Conférence de Seelisberg (canton d’Uri) en compagnie de personnalités juives et protestantes. Il prend une part active aux travaux redéfinissant l’attitude de l’Eglise catholique envers le peuple juif. Cette conférence aboutira, par l’intermédiaire de Jules Isaac, à la déclaration Nostra Aetate durant le Concile Vatican II convoqué par le pape Jean XXIII.
Le Père Benoît s’exprime ainsi sur cette démarche refondatrice : « Les chrétiens sont fils spirituels du grand patriarche Abraham. Le pape Pie XI l’affirmait en 1938 en appelant le patriarche Abraham, notre aîné dans la foi. Ce qui suffit à exclure tout antisémitisme, mouvement auquel nous chrétiens ne pouvons avoir aucune part. Les chrétiens ont en commun avec le peuple juif la sublime doctrine de Moïse selon laquelle tous les hommes sont créés à l’image de Dieu, ils sont fils de Dieu, frères les uns des autres, dans l’observance du Décalogue mosaïque. Base immuable et indispensable de tout progrès humain et de la permanence de la paix. Chrétiens et juifs récitent les mêmes psaumes de la Bible, les plus belles prières que l’homme ait jamais pu adresser à son Créateur ».
En 1976, le Père Marie-Benoît exprime publiquement son éloge de l’action du pape Pie XII en faveur des juifs. Il souligne l’importance de l’aide financière que le pape lui avait directement octroyée pour mener à bien ses opérations de sauvetage des familles juives en Italie.
Quelque temps avant sa mort, il reçoit une lettre de Myriam, 14 ans en 1943, qui lui dit : « Vous souvenez-vous encore de Myriam, j’ai maintenant 64 ans ! Dans ma première rencontre avec vous, vous me disiez : continuez à être une bonne juive ! Je vous souhaite de continuer à être un bon chrétien ! ».
Pour rendre compte de son action dans le sauvetage des réfugiés juifs durant la 2nde guerre mondiale, le Père Benoît précise lors d’une intervention publique: « J’ai un arbre planté dans l’allée des Justes, au Yad Vashem de Jérusalem. Cet arbre ne représente pas seulement ma personne, il représente aussi bien les juifs courageux avec lesquels j’ai combattu et sans lesquels je n’aurais pas fait grand-chose. Je veux nommer : Joseph André Bass, Maurice Brener, Angelo Donati, Stefan Schwamm, Settimo Serani, Giuseppe Levi, Aron Kastersztein. C’est plutôt en leur nom que je veux parler ! »
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.